Le darss du Tarâwîh – 8

Le darss du Tarâwîh – 8

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18 août 2010, 17:52

Bismillâhir Rahmânil Rahîm

 

Parmi les derniers versets de la Sourate Al An’âm qui ont été récités hier soir se trouvait ce passage :

 

مَنْ جَاءَ بِالْحَسَنَةِ فَلَهُ عَشْرُأَمْثَالِهَا وَمَنْ جَاءَ بِالسَّيِّئَةِ فَلَا يُجْزَى إِلَّا مِثْلَهَا وَهُمْ لَايُظْلَمُونَ

Celui-ci présente deux règles portant sur la rétribution divine le Jour du Jugement Dernier :

1) celui qui seprésentera avec une bonne œuvre, qui soit en rapport avec les droits du Créateur ou les droits des créatures, obtiendra une récompense (au moins) décuplée.

 

2) celui qui seprésentera avec une mauvaise action n’en sera rétribué que par un châtiment équivalent.

Et aucun d’eux ne sera lésé. (Sourate 6 / Verset 160)

 

Ces règles de la rétribution divine, qui expriment de façon magistrale la Clémence d’Allah, mais aussi Sa Justice, ont été plus amplement détaillées dans un Hadith Qoudsiyy (est ainsi désigné le Hadith dans lequel le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhiwa sallam) attribue directement les propos qu’il tient à Allah), cité notamment par l’Imâm Boukhâri (rahimahoullâh) et l’Imâm Mouslim (rahimahoullâh) :

 

“Certes,Allah a (fait) consigner (par l’intermédiaire des anges qui accompagnent chacun) les bonnes actions et les mauvaises”; puis il a explicité cela: “Celui qui a eu l’intention de faire une bonne action puis ne l’a pas faite, Allah –qu’Il soit béni et exalté- inscrit en sa faveur une bonne action entière auprès de Lui. Et s’il a eu l’intention de la faire puis l’a réalisée, Allah inscrit en sa faveur de dix à sept cent bonnes actions, et bien plus encore… Et s’il a eu l’intention de commettre une mauvaise action puis ne la fait pas, Allah inscrit auprès de Lui une bonne action entière. Et s’il a eu l’intention de la faire puis l’a réalisée, Allah inscrit une seule mauvaise action (contre lui).”

 

فمَنْهمَّ بِحَسَنةٍ فَلمْ يعْمَلْهَا كتبَهَا اللَّهُ عِنْدَهُ تَبَارَكَ وَتَعَالَى عِنْدَهُ حسنةً كامِلةً

Ainsi, lorsque le croyant fait l’intention –qu’il s’agisse d’une résolution ferme (‘azm) ou d’une simple volonté (hamm)-  d’accomplir une bonne action, et que, par la suite, il ne concrétise pas son dessein, il reçoit quand même la pleine récompense d’une œuvre pie.

 

Il est à noter cependant que l’importance de la récompense qu’il recevra pourra être plus ou moins grande, suivant ce qui l’a conduit à ne pas accomplir réellement l’acte concerné:

 

– s’il a délaissé l’action en raison d’un facteur extérieur –indépendant de sa volonté, tout en ayant au fond de lui le désir de le faire, la récompense qu’il mérite sera importante… et elle le sera encore davantage s’il éprouve en plus regret pour ne pas avoir pu réaliser l’œuvre en question et garde le désirde la réaliser quand il en sera capable.

– s’il adélaissé l’action de son propre gré, dans ce cas la récompense qu’il méritera sera moins importante.

 

Par ailleurs, il convient de souligner que dans ce cas de figure (c’est-à-dire lorsqu’il y a une intention de faire le bien qui n’est pas concrétisée), la récompense obtenue sera similaire àcelle qui est promise pour l’acte concerné en soi… en sachant que si l’acte avait été réellement accompli, sa récompense obtenue aurait été en réalité bien plus grande

وَإِنْ همَّ بهَافَعَمِلَهَاكَتَبَهَااللَّهُ عَشْرحَسَنَاتٍ إِلَى سَبْعِمَائِةِضِعْفٍ إِلَى أَضْعَافٍ كثيرةٍ

Et dans le cas où le croyant concrétise par ses actes la bonne intention qu’il avait dans son cœur, sa récompense est au minimum décuplée. C’est ce qui est énoncé dans le verset cité plus haut.

 

Puis, la récompense peut être encore augmentée jusqu’à sept cent fois plus (que ce qui est en principe celle de l’action accomplie), et même d’avantage encore, si Allah le désire. On trouve encore une fois une confirmation de ce qu’affirme ici le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dans le texte coranique. Allah dit, au sujet de celui qui dépense ses biens dans la voie de Dieu: “Ceux qui dépensent leur biens dans le sentier d’Allah ressemblent à un grain d’où naissent sept épis, à cent grains l’épi. Car Allah multiplie la récompense à qui Il veut et la grâce d’Allah est immense, et Il est Omniscient.” (Sourate 2 / Verset 261)

 

Les oulémas affirment que l’importance de la multiplication du mérite initial pourra être motivée par des facteurs différents; celle-ci pourra notamment varier:

– en fonction de la sincérité et de la dévotion de celui qui agit; par exemple, une salât accomplie avec concentration et présence du cœur rapportera bien plus de récompenses que celle qui est faite avec un autre état d’esprit…

– en fonction de la conformité de l’acte accompli avec l’enseignement prophétique;  en effet, une salât accomplie avec le respect de tous les sounan et moutahabbât (actes recommandés) sera plus méritoire qu’une prière réalisée avec les farâïdh et wâdjibât (actes obligatoires) uniquement…

– en fonction de l’effort et le sacrifice important que requiert l’action; le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a, dans un Hadith, évoqué le mérite exceptionnel que renferme l’accomplissement des ablutions de façon complète malgré la présence de facteurs rendant cela difficile (isbâgh oulwoudhoû ‘alal makârih)…

– en fonction de l’étendue des effets positifs qu’entraîne l’acte accompli; c’est notamment le cas pour les aumônes perpétuelles (sadaqah djâriya), l’enseignement de la science profitable (‘ilm nâfi’) ou l’institution d’une pratique louable et bénéfique (sounnah hassanah)…

Cette première partie du Hadith metdéjà clairement en valeur le caractère exceptionnel de la miséricorde divine… La suite de la Tradition confirme cela de façon encore plus remarquable:

 

 

وَإِنْ هَمَّ بِسيِّئَةِفَلَمْ يَعْمَلْهَاكَتَبَهَااللَّهُ عِنْدَهُ حَسَنَةًكامِلَةً

Si jamais un croyant fait seulement l’intention de commettre un péché, et que, par la suite, il ne concrétise pas sa volonté et n’accomplit pas le mal en question, dans ce cas, non seulement il n’obtiendra pas de péché mais il se verra même gratifié par Allah de la récompense entière d’une bonne action !

Il est cependant nécessaire de souligner que les oulémas considèrent de façon unanime que cette règle énoncé ne s’applique que dans le cas où la décision de faire le péché n’avait pas atteintle stade de résolution ferme (‘azm)… En effet, en ce qui concerne le ‘azm de commettre un mal, selon la majorité des oulémas, la règle est différente.

Par ailleurs, un groupe de savants est d’avis que la non concrétisation du désir de commettre un péché n’est rétribuée que lorsque l’acte concerné n’a été délaissé que pour Allah; en effet, dans un Hadith rapporté par Abou Houreïra (radhia Allâhou anhou), on trouve les termes suivants:

 

إذا أراد عبدي أن يعمل سيئة فلا تكتبوهاعليه حتى يعملها فإن عملها فاكتبوها بمثلها وإن تركها من أجلي فاكتبوها له حسنة

“Lorsque mon serviteur désire accomplir une mauvaise action, ne l’inscrivez pas contre lui tant qu’il ne l’a pas (réellement) faite. Puis,s’il la réalise, consignez (seulement) l’équivalent (de ce qu’il a fait). Et s’il l’a délaissée à cause de Moi, inscrivez en sa faveur une bonne action. (…)”

(Boukhâri)

 

Certains autres oulémas (comme Ibnou Taymiyah(rahimahoullâh))   pensent pour leur part que, à partir du moment où le mal n’est pas concrétisé, la personne concernée obtiendra des récompenses, et ce, qu’elle ait agi ainsi pour le plaisir d’Allah ou sans avoir aucune motivation particulière à l’esprit : ces savants se basent ainsi sur l’énoncé apparent du présent Hadith de Ibnou Abbâs (radhia Allâhouanhou), où on ne trouve aucune sorte de restriction dans les propos du ProphèteMouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

Ibnou Hadjar (rahimahoullâh) tente de rapprocher ces deux opinions en disant qu’il est possible que, si un croyant ne concrétise pas une mauvaise intention qu’il avait, il obtiendra systématiquement une récompense, étant donné que l’abandon d’un péché est, en soi, toujours positif: cependant, si la mauvaise action a été délaissée pour Allah, la récompense obtenue sera évidemment plus importante que si elle a été délaissée sans raison particulière.

Et dans le cas où la mauvaise intention est délaissée par honte pour les gens et pour bien se faire voir d’eux, Ibnou Radjab (rahimahoullâh) rapporte de certains savants que la personne concernée n’obtiendra pas de récompenses mais aura au contraire des péchés, étant donné qu’elle a agi parostentation et a fait primer la crainte des gens sur la crainte d’Allah. Néanmoins, cet avis ne fait l’unanimité: Al Qâdhi iy’âdh (rahimahoullâh) et An Nawawi (rahimahoullâh), notamment, ne la partagent pas du tout.

 

Al Khattâbi (rahimahoullâh) soutient que la récompense promise dans ce Hadith pour le mal qui est délaissé concerne le cas où la réalisation du péché était possible et que, malgré cela, elle n’ait pas été concrétisée. En effet, si la personne concernée n’était pas même en mesure de commettre le péché, on ne considèrera pas qu’il y a eu délaissement du mal de sa part: elle ne méritera donc aucune récompense.

 

وَإِنْ هَمَّبِهافعَمِلهَاكَتَبَهَااللَّهُ سَيِّئَةًوَاحِدَةً

Si, finalement, la mauvaise intention est concrétisée et que le mal est accompli réellement, dans ce cas, un péché sera bien consigné: mais, précision essentielle, contrairement à ce qui se produit dans le cas d’une bonne intention concrétisée, ici, en règle générale, le péché inscrit sera unique et non pas multiplié, comme l’indique aussi le passage coranique étudié.

 

En considérant l’extraordinaire miséricorde divine qui s’exprime à travers ces règles de rétribution, on mesure la justesse des propos de Abdoullâh ibnou mas’oûd (radhia Allâhou anhou):

 

ويلٌ لمن غلب وحْدانُه عشراته

“Malheur à celui dont les unités (c’est-à-dire les péchés consignés) surpasse les dizaines (c’est-à-dire les bonnes œuvres, dont le mérite est, au moins, systématiquement décuplé)…”

 

Qu’Allah nous compte parmi ceux qui se présenteront le Jour Final avec le plus dizaines et le moins d’unités. Âmîne !

Wa Allâhou A’lam !

(Source : “Tafsîr Mounîr”,”Tafsîr Sa’diy”, “Djâmi’ oul ‘Ouloûm wal Hikam, entre autres)